Fédération Générale CFTC des Fonctionnaires

N° 300 – Le 16 juin 2006

La modernisation de la gestion des ressources humaines de l’Etat

Vous trouverez ci-dessous le texte de la communication du ministre de la fonction publique Christian Jacob, lors du conseil des ministres du 14 juin, concernant la modernisation de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique.

Un Etat moderne ne peut remplir efficacement ses missions sans une gestion des ressources humaines également modernisée et dynamique. Une meilleure fluidité des carrières, l’organisation de parcours professionnels attractifs et qualifiants, répondant aux besoins des services et aux attentes des personnels, ainsi que la reconnaissance des résultats atteints doivent être recherchées. Il faut aussi assurer une répartition optimale des ressources humaines au sein de chaque service.

Parallèlement, la réforme de la gestion publique, mise en œuvre dans le cadre de la LOLF, doit conduire à une meilleure maîtrise des dépenses et à une plus grande responsabilité des administrations de l’Etat.

C’est dans cet esprit que lors d’une précédente communication, le 16 novembre 2005, j’ai présenté les orientations de la politique générale du Gouvernement en matière de fonction publique. Un certain nombre de ces orientations s’agissant de la promotion professionnelle et de la mobilité ont été reprises dans l’accord que j’ai signé le 25 janvier 2006, avec trois organisations syndicales représentatives (CFDT, UNSA et CFTC), sur l’amélioration des carrières dans la fonction publique.

Ma précédente communication portait également sur la nécessité de doter les administrations de schémas stratégiques de ressources humaines et d’assurer une cohérence des objectifs poursuivis par l’ensemble des ministères, grâce à la mise en place de conférences annuelles de gestion prévisionnelle des ressources humaines.

Sept mois après cette communication, un premier bilan peut être dressé qui montre les progrès réalisés sur le fond et en terme de méthode, et permet de tracer des perspectives positives pour les administrations et leurs agents.

1 – Les conférences annuelles de gestion prévisionnelle des ressources humaines : une démarche innovante pour une approche globale de la modernisation des ressources humaines de l’Etat

J’ai proposé à 7 ministères volontaires (Agriculture, Culture, Défense, Emploi, Equipement, Intérieur et Santé) d’expérimenter des conférences de gestion prévisionnelle de gestion des ressources humaines. Animées en mars/avril 2006 par le Directeur général de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), elles ont notamment associé les secrétaires généraux et directeurs des ressources humaines de ces ministères.

Le but a été d’évoquer avec chacun son schéma stratégique des ressources humaines et les étapes de son déploiement en 2006. Ce fut l’occasion de passer en revue un certain nombre de questions : quelle politique de recrutement, de promotion professionnelle, de mobilité, de rémunération ?

La méthode en elle-même traduit une approche inédite des relations entre administrations. L’esprit est bien celui d’une responsabilisation accrue de chaque ministère dans la définition de ses objectifs et de ses marges de manœuvre. Le ministère de la fonction publique s’assure de la cohérence des choix par rapport aux priorités définies par le Gouvernement et apporte son appui à leur mise en œuvre.

Trois objectifs ont prévalu lors de cette phase expérimentale :

– établir une feuille de route avec des engagements réciproques de chaque ministère et de celui de la fonction publique;
– identifier et partager les bonnes pratiques développées par les ministères;
– mettre en place un dispositif de suivi pluriannuel et d’animation des projets de modernisation des ressources humaines.

Ces conférences ont donné lieu à la signature de relevés de conclusions, qui serviront à la fois au suivi des engagements formulés pour l’année 2006, mais permettront surtout, lors des conférences 2007, de s’assurer du respect des engagements pris.

La démarche ainsi conduite a montré une véritable mobilisation des administrations en matière de GRH sur laquelle certaines s’appuieront pour envisager des modalités de contractualisation avec les partenaires sociaux et les personnels concernés. Elles ont permis d’engager un dialogue de gestion entre la DGAFP, chargée de proposer les éléments d’une politique d’ensemble de la fonction publique, et les ministères, et de mettre à la disposition du Gouvernement une vision complète des politiques de gestion des ressources humaines conduites par les ministères.

Dans cet esprit de dialogue et d’échanges sur les meilleures pratiques mises en œuvre sur le terrain, les principaux axes d’une GRH modernisée ont fait l’objet d’un examen et fourni des illustrations concrètes sur les changements en cours. Sans être nécessairement inédites ni limitées aux ministères inclus dans le champ de l’expérimentation, les tendances observées et les exemples relevés montrent qu’un mouvement profond et durable de modernisation de la GRH est clairement engagé.

2 – Les priorités retenues dans les schémas stratégiques de gestion des ressources humaines.

Les schémas stratégiques, en cohérence avec le contenu de l’accord du 25 janvier 2006, sont articulés autour de 6 thèmes : l’élaboration de plan de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, le renforcement de la déconcentration, la mise en œuvre d’une politique de fusion de corps et de promotion de la mobilité, l’adaptation des procédures de recrutement, l’amélioration de la gestion des carrières et la modernisation de la gestion des rémunérations.

– L’élaboration de plans de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) et l’approche par métiers :

Les ministères ont tous engagé une démarche de GPEEC en 2005 pour mieux assurer la programmation à moyen et long terme de l’évolution de leurs emplois et de leurs recrutements..

Sur le plan de l’approche quantitative (projections démographiques à moyen et long terme, scenarii d’évolution des emplois…), seuls le ministère de l’Emploi et de la Cohésion sociale et celui de l’Intérieur, pour les services dépendant du Secrétariat général, ont réalisé un exercice complet de comparaison entre l’évolution de leurs missions et de leurs besoins en emplois.

Par ailleurs, la dimension qualitative de la GPEEC pourra désormais s’appuyer sur une approche en termes de métiers avec l’aide du Répertoire interministériel des métiers de l’État (RIME) qui vient d’être achevé.

Certains ministères ont déjà beaucoup avancé dans la construction ou la rénovation de leur propre répertoire. A titre d’exemple, le ministère de la Défense, qui dispose déjà de plusieurs référentiels métiers de qualité, a pour projet de réaliser, en 2006, un répertoire ministériel de ses métiers en s’appuyant sur le RIME. La manière dont ce ministère, sans renier sa spécificité, prend appui sur un cadre d’ensemble interministériel pour renouveler l’approche de ses métiers constitue une bonne pratique qui devra inspirer ou renforcer d’autres démarches ministérielles.

Le ministère de l’Emploi et de la Cohésion Sociale a également beaucoup développé cette approche qualitative de la GPEEC et élaboré un référentiel de compétences.

-le pilotage de la GRH et le renforcement de la déconcentration :

La mise en œuvre de la LOLF a entraîné dans tous les ministères une réorganisation de la fonction ressources humaines, fondée sur la double nécessité d’une déconcentration accrue et d’une meilleure définition des fonctions transversales de pilotage et de régulation.

A titre d’exemple, le ministère de l’Intérieur a organisé des procédures de dialogue de gestion entre les préfectures et l’administration centrale pour permettre aux préfets d’opérer des choix quant au nombre et à la structure des emplois qui leur semblent les mieux appropriés pour atteindre les objectifs qui leur sont fixés. Cette liberté laissée à l’échelon local est toutefois gérée dans un cadre maîtrisé, fondé sur une information transparente et des indicateurs de suivi de la gestion de la masse salariale et des emplois.

Les règles du jeu de ce dialogue de gestion se mettent en place dans tous les ministères et se traduisent par la rédaction de chartes de gestion à l’instar de celle qui vient d’être concrétisée au ministère de la Défense.

Ce nouvel élan de la déconcentration implique aussi une rénovation du dialogue social. Tous les ministères ont proposé des pistes de progrès en la matière. Il semble en particulier indispensable d’évoquer avec les partenaires sociaux la question des objectifs et indicateurs de performance des politiques publiques et des moyens budgétaires afférents, pour renforcer la motivation des personnels. Certaines bonnes pratiques attestent en outre d’une évolution des rapports avec les partenaires sociaux. Le ministère de la Santé, par exemple, a fait part de plusieurs initiatives intéressantes : l’ouverture d’un site Internet dédié au dialogue social ; la mise en place, pour l’ensemble de ses futurs cadres, d’un cursus de formation sur les droits syndicaux et le dialogue social à l’école nationale de la santé publique; la création de « commissions locales de concertation » qui permettent, au sein de l’administration centrale, des échanges informels en amont des comités techniques paritaires.

La déconcentration doit aller de pair avec une plus grande mutualisation, au niveau territorial, des outils et moyens de la GRH. La circulaire du Premier ministre du 2 janvier 2006 relative à la réforme de l’administration départementale a prévu la mise en place de bourses locales de l’emploi public en 2006 dans les 8 départements des régions Lorraine et Champagne-Ardennes. Ce dispositif sera complété en 2006 par des initiatives telles que :

– l’expérimentation dans deux départements, avec l’appui du ministère de l’Intérieur, d’un outil de GPEEC locale ; il s’agit de doter l’échelon déconcentré d’un outil permettant de définir une politique déconcentrée de gestion des ressources humaines qui se traduise, très concrètement, par des échanges de compétences entre services et l’organisation de parcours professionnels ;
– l’examen des conditions dans lesquelles les réseaux de recrutement et de formation des différents ministères (en particulier ceux chargés de l’Agriculture et de l’Equipement) pourraient se rapprocher et mutualiser leur intervention afin de réaliser des économies d’échelle.

– La fusion des corps et la promotion de la mobilité :

La fusion des corps a pour objectifs de favoriser la mobilité et de faciliter la gestion des carrières dans un cadre simplifié.

Dans les 7 ministères expérimentateurs, les dossiers de fusions de corps examinés concernent à ce stade 82.000 fonctionnaires et conduiront au regroupement de 73 corps en 27 nouveaux corps. Plusieurs projets de décrets concernent ainsi les ministères chargés de l’Agriculture, de la Culture, de la Défense, de la Santé et de l’Équipement. Ces fusions s’accompagnent le plus souvent d’amélioration du déroulement des carrières (accès à la carrière revalorisée du nouveau statut des attachés ; plans pluriannuels d’amélioration de la promotion interne…).

La mobilité fonctionnelle sera favorisée et simplifiée grâce à ces fusions de corps. A titre d’exemple, les nouveaux statuts des corps d’attachés des ministères de l’Agriculture et de l’Équipement permettront aux fonctionnaires de l’un de ces ministères d’être affectés directement dans l’autre. Cette mesure de simplification administrative permettra de diminuer le nombre de cas de recours à la procédure, plus lourde à gérer, du détachement entre corps.

– L’adaptation des processus de recrutement :

La professionnalisation du recrutement est au centre des préoccupations des ministères, conformément aux orientations définies par le Président de la République. L’objectif est de diversifier les voies de recrutement en accordant une plus large prise en compte des acquis de l’expérience professionnelle.

Le projet de loi de modernisation de la fonction publique, qui sera prochainement examiné par le Parlement, répond à ces préoccupations en créant un dispositif de reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle, qui permettra de procéder à des recrutements davantage fondés sur des compétences professionnelles et de mieux prendre en compte ce critère pour l’avancement. Il a été demandé aux ministères d’être pilotes dans sa mise en œuvre.

Les ministères ont également été invités à s’engager plus encore en matière de définition d’une politique de recrutement diversifié, notamment en direction des personnes handicapées. Ainsi, de nouveaux plans triennaux de recrutement et d’insertion des personnes handicapées ont d’ores et déjà été présentés par les ministères de l’Agriculture, de la Défense et de la Santé. Le ministère de la Défense dispose d’un dispositif personnalisé d’accompagnement professionnel des handicapés recrutés : suivi d’intégration et d’adaptation à l’emploi, désignation de « correspondants handicap » régionaux, étude d’aménagement du poste de travail en relation étroite avec le médecin de prévention, l’assistante sociale et le responsable de formation. Elle assure en outre, avec l’ONAC, des actions de formation des handicapés (9 écoles de reconversion accueillant 1 400 stagiaires par an, dont 70 % trouvant un emploi dans les six mois).

Les exigences d’une plus grande diversité sociale des recrutements ont également été prises en compte, que ce soit au titre du Parcours d’accès aux carrières de l’État, des hôpitaux et des collectivités territoriales (PACTE) ou dans le cadre du dispositif des cadets de la République, mis en place par le ministère de l’Intérieur pour l’accès aux emplois de la police.

– L’amélioration de la gestion des carrières :

La gestion qualitative des carrières fait l’objet d’une attention croissante et d’initiatives dans tous les ministères qui se traduisent notamment dans les politiques de formation et d’évaluation des personnels.

De manière générale, les objectifs que se sont fixés les ministères en matière de formation sont ambitieux, comme en témoignent ceux de l’accord cadre signé par le ministère de la Défense, sur la formation continue de ses personnels civils ; objectifs tant qualitatifs (développement de la validation des acquis de l’expérience, des cursus individualisés) que quantitatifs (53% des agents devront aller en formation tous les ans).

En matière d’évaluation, les cadres en charge de conduire les entretiens ont reçu des formations adaptées pour garantir la qualité de la procédure. Une initiative intéressante est également à relever au ministère chargé de l’emploi où un dispositif d’évaluation dit « à 360 degrés » pour les chefs de services déconcentrés, permettant de recueillir à la fois l’avis de leurs supérieurs hiérarchiques et de leur entourage professionnel a été expérimenté.

En outre, le ministère de la Culture a organisé un dispositif de formation de ses cadres intermédiaires au management tandis que celui de l’Équipement utilise un dispositif de repérage de ses « hauts potentiels », et celui de l’Intérieur développe des parcours de formation au management permettant d’accompagner ses cadres à l’occasion de leurs changements de postes.

Enfin, la gestion individualisée de la carrière des cadres occupe une place croissante dans les préoccupations des ministères sans pour autant méconnaître les attentes de l’ensemble des personnels. Des plans de requalification vont ainsi être mis en œuvre, par exemple, dans les services du secrétariat général du ministère de l’Intérieur et se traduiront à la fois par une augmentation importante des possibilités de promotion offertes aux agents des catégories C et B et par une augmentation du nombre d’avancement de grade au sein de l’ensemble des catégories. Ces plans de requalification seront financés grâce à un juste retour, en direction des personnels, d‘économies résultant de la diminution globale du nombre des emplois.

– La modernisation de la gestion des rémunérations :

La construction de dispositifs indemnitaires permettant de rémunérer les fonctionnaires de manière plus équitable, en tenant compte à la fois des caractéristiques de leurs fonctions et des résultats qu’ils obtiennent, suppose un effort de transparence et de dialogue social, pour être pleinement efficace.

Le ministère de l’Intérieur s’est ainsi tout particulièrement engagé dans cette voie, tant en termes de transparence sur les montants moyens des indemnités et les conditions d’attribution, que s’agissant de l’émergence de principes de modulation collective ou individuelle.

Une bonne gestion de la part indemnitaire de la rémunération globale suppose également des textes plus simples qui donnent du sens aux versements effectués. A titre d’exemple, le ministère de l’Agriculture, s’agissant de l’Office national des forêts, a refondu en un seul décret ses différents dispositifs indemnitaires pour mieux adapter les montants versés à la réalité des postes occupés et des résultats atteints. Il convient également de rappeler l’initiative prise dans la police pour reconnaître, sous forme d’un dispositif indemnitaire combinant modulation individuelle et collective, la performance des fonctionnaires ou des services.

Ce souci de simplification et de rationalisation des régimes indemnitaires se traduira par diverses expérimentations destinées, sur des secteurs choisis par les ministères, à procéder à une refondation de leurs régimes indemnitaires.

En conclusion, l’expérimentation lancée en 2006 démontre la pertinence de ce nouveau mode de gouvernance de la politique générale de la fonction publique qui :

– amène chaque ministère à se mobiliser et à mettre en perspective les diverses composantes de sa stratégie en matière de GRH;
– permet aux services du ministère de la fonction publique de relayer auprès de chaque administration les objectifs et les résultats attendus des orientations gouvernementales en matière de GRH ;
– repose sur un dispositif permanent d’échange de bonnes pratiques entre des administrations qui, par-delà leurs spécificités, sont appelées à une même exigence de modernisation.

C’est pourquoi, la démarche qui vient d’être expérimentée sera généralisée dès le début de l’année 2007.

Dès sa phase expérimentale, elle traduit une nouvelle répartition des rôles entre l’échelon de pilotage interministériel que constitue le ministère chargé de la fonction publique et les départements ministériels dans un cadre transparent. Cette évolution constitue l’axe majeur de l’audit de modernisation qui vient d’être réalisé à la DGAFP et qui conduit celle-ci à réorienter son activité à moyens constants.