Le rapport Moreau sur les retraites en France, remis vendredi 14 juin à Matignon, est la première étape de la prochaine réforme des retraites. Il doit servir de base à un projet de loi qui sera proposé «avant la fin de l’été».
La concertation s’engagera à la conférence sociale des 20 et 21 juin.
Dans ce document de près de 200 pages, de nombreuses pistes de réformes sont envisagées.

Les principales mesures préconisées

1. Travailler plus longtemps

Pour tous les salariés, ceux du privé, mais aussi ceux du public, le rapport Moreau propose d’accélérer puis de prolonger le calendrier d’augmentation de la durée de cotisation, qui prévoit d’ores et déjà 41,5 ans pour les personnes nées en 1955 et au-delà.
Deux scénarios sont envisagés :

  • Augmenter rapidement la durée d’un trimestre par génération, pour la porter à 43 ans pour la génération 1962 (qui commencera à partir en retraite en 2024) et 44 ans pour la génération 1966 (qui commencera à partir en retraite en 2028).
  • Augmenter d’un trimestre toutes les deux générations, jusqu’à la porter à 42,25 ans pour les générations 1961 et 1962.

En revanche, la Commission juge «peu opportun» de reculer encore les bornes d’âge, déplacées en 2010, de 60 à 62 ans pour l’âge légal de départ et de 65 à 67 ans pour le taux plein même si la durée de cotisation n’est pas atteinte. Cet allongement est réclamé par la droite et le Medef.

Une façon pour le gouvernement d’inciter les Français à travailler plus longtemps sans pour autant toucher à l’âge légal de départ à la retraite.
Ceux qui continueront à partir à 62 ans sans toutefois avoir le nombre de trimestres nécessaires enregistreront un manque à gagner important.

2. Mettre à contribution les retraités

Pour la première fois dans une réforme des retraites, un rapport suggère de demander des efforts conséquents aux retraités.

  • Le rapport Moreau préconise ainsi de relever le taux de CSG maximale acquitté par la moitié des retraités les plus aisés (6,6 %) pour le porter au niveau acquitté par les actifs (7,5 %).
    Jusqu’à présent, les retraités bénéficient d’un taux de CSG moins élevé que celui des actifs. Le rapport Moreau propose de l’aligner, ce qui revient à diminuer la pension nette après impôts.
  • Il estime aussi « souhaitable » de réviser certains avantages fiscaux dont bénéficient les retraités.Les retraités bénéficient comme les actifs d’un abattement fiscal de 10 % pour frais professionnels. Le rapport évoque une diminution de ce taux à 7 %, 5 % ou 3 %, qui entraînera une hausse mécanique des impôts.
  • La fiscalisation des pensions majorées de 10 % pour les parents de trois enfants et plus .Le rapport prévoit de fiscaliser cette majoration, ce qui engendre là encore logiquement une hausse d’impôts pour les intéressés.
  • Une « sous-indexation exceptionnelle à titre transitoire » des pensions, jusqu’ici revalorisée annuellement en fonction de l’inflation, est envisagée pour 2014, 2015 et 2016, uniquement pour les retraités les plus aisés, qui acquittent la CSG.
    C’est d’ailleurs déjà le cas depuis le 1er avril et pour trois ans pour les retraites complémentaires Agirc-Arrco des salariés du privé.

3. Augmenter les cotisations

Le rapport préconise une augmentation des cotisations d’assurance-vieillesse de 0,1 ou 0,2 point par an entre 2014 et 2017, mais seulement au-delà d’un certain plafond de salaire. Cet effort serait réparti à parts égales entre salariés et employeurs. .

4. Indexation des salaires portés au compte

Le rapport propose de modifier «l’indexation des salaires portés au compte» pour les futures pensions: il s’agirait de diminuer légèrement le montant des salaires des actifs qui compteront pour la retraite, d’un montant de 1,2 point, pendant les années 2014 à 2016.

5. Harmonisation du décompte des périodes assimilées sur la base de 90 jours

Le seuil pour bénéficier de la validation d’un trimestre d’assurance pourrait être porté à 90 jours au lieu de 60 jours pour les périodes de perception d’IJ maladie et accident du travail .

6. Réformer le mode de calcul pour les fonctionnaires

  • Le rapport suggère de faire calculer ces pensions non plus sur les salaires des six derniers mois mais sur une période allant de 3 à 10 ans, avec une intégration partielle des primes.
    Dans le cas d’un allongement de la durée de référence aux 10 dernières années avec
    une revalorisation des traitements portés au compte analogue à celle du régime
    général (sur les prix), la perte de pension, sans intégration de primes, est estimée en
    moyenne à -3,6 %.
  • Les régimes de la fonction publique prévoient des bonifications, c’est-à-dire des périodes non cotisées pouvant s’ajouter à la durée des services effectivement accomplis pour le calcul de la pension.
    La commission estime qu’hormis certaines bonifications répondant à des motifs d’intérêt général clairement identifiés (bonifications pour enfants, campagne pour les militaires en opérations extérieures, bonification du cinquième pour les militaires), la pertinence de ces dispositifs, qui ont souvent des origines historiques, peuvent faire l’objet d’un réexamen.

La commission rappelle que « les différences ne sont pas si grandes  » entre le public et le privé et que toutes les autres mesures (cotisation, durée, sous-indexation…) seront aussi appliquées aux fonctionnaires.
La Commission s’est peu attardée sur les régimes spéciaux (SNCF, EDF, RATP etc). Mais Mme Moreau a souligné qu’un nouvel allongement de la durée de cotisation rendrait leurs âges de départ légaux de plus en plus «théoriques» si ces salariés veulent une retraite pleine.

7. Améliorer les règles pour les jeunes, les femmes et les métiers pénibles

  • Le rapport préconise aussi une série d’améliorations pour mieux prendre en compte les carrières heurtées, notamment celles des jeunes en cours d’insertion sur le marché du travail (améliorer les droits des apprentis, faciliter l’ouverture de droits pour les stagiaires ou les chômeurs en formation).
  • Il évoque brièvement des pistes de réforme des avantages familiaux pourtant assez significatives puisqu’il s’agirait de ne plus octroyer des majorations de durée d’assurance par enfant mais de compenser les interruptions de carrière liées aux jeunes enfants.
  • Le document préconise aussi la mise en place d’un nouveau plan d’action pour les seniors, qui définirait des objectifs tous les cinq ans.
  • Pour les personnes ayant eu des métiers pénibles, des améliorations sont proposées. Un « compte individuel de pénibilité » serait créé et abondé en points, en fonction de l’exposition de chacun à différents critères de pénibilité. Ce compte permettrait soit de financer une formation de reconversion, soit de passer à temps partiel en fin de carrière, soit de racheter des trimestres.
  • Quant aux salariés exposés à des facteurs de pénibilité connus pour avoir un effet sur l’espérance de vie (travail de nuit ou agents cancérigènes), ils recevraient des majorations de trimestres leur permettant de partir plus tôt.

8. Mieux piloter le système

Pour éviter les réformes à répétition, le rapport Moreau suggère d’adopter un système de pilotage proche de celui de l’assurance-maladie : en cas de dérives par rapport à la trajectoire, des mesures correctives seraient obligatoirement prises. Il s’agirait de
« gérer, de façon anticipée et réactive les aléas de la croissance et de la démographie » pour « éviter que les réformes ne se fassent dans un contexte de crise et d’urgence ».
En particulier, le rapport préconise de réaffirmer l’objectif de stabiliser le rapport global entre la retraite médiane des personnes de 65 à 74 ans et le revenu médian des actifs de 50 à 59 ans, de sorte qu’il se stabilise à environ deux tiers, en moyenne nationale.
Pour cela, il suggère de surveiller différents indicateurs socio-économiques (équilibre financier, taux de remplacement, âge d’entrée dans la vie active et de départ en retraite…). En cas de dérive par rapport à l’objectif, la façon de revaloriser les salaires reçus tout au long de la carrière, qui se fait actuellement en fonction de l’inflation, serait adaptée.

Quant aux pensions de réversion , elles ne perdent rien pour attendre ,la commission estime qu’à l’instar des avantages familiaux, l’hypothèse d’une convergence entre les régimes incluant régimes de base et régimes complémentaires n’apparaît pas aujourd’hui irréaliste.

Cependant malgré les travaux importants réalisés par le Conseil d’orientation des retraites en 2008 et les études bien documentées qui lui ont été remises, la commission précise que le nombre et la sensibilité des décisions à examiner pour une telle réforme de convergence excèdent largement le temps qui lui était imparti pour ses travaux.
Les principes qui devront guider une future réforme sont les suivants :

  • Maintien d’une pension de réversion pour les couples mariés, qui, pour les générations qui vont liquider dans les quinze prochaines années, tempère les inégalités entre hommes et femmes et, apporte une garantie à de nombreuses femmes.
  • Rapprochement des règles entre les régimes de manière à aboutir à des avantages semblables, qu’il s’agisse des régimes distinguant base et complémentaire ou des régimes intégrant ces deux étages. La neutralité financière tous régimes devra être recherchée. Cette optique de convergence amène à réfléchir à la façon dont les régimes complémentaires de salariés pourront s’intégrer, après concertation, dans un schéma d’ensemble ;
  • Aller vers une intégration de l’ensemble des revenus du couple dans une approche qui allie à la fois maintien du niveau de vie et solidarité.
  • Prise en compte des autres formes de la vie en couple et création d’une assurance veuvage ou orphelin dans les cas où les conditions d’âge seraient revues à la hausse.

Et Voilà…
>> Rapport Moreau 1ere partie
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