Le Directeur Général a présenté aux organisations syndicales son plan stratégique « Elan 2020 ».
S’il comporte des priorités d’action qui sont bien au coeur des urgences du Pays, notamment dans le domaine du logement et du développement durable, ce plan pourrait, aux yeux d’un certain nombre d’observateurs, représenter l’arbre qui cache la forêt, compte tenu des inquiétudes pesantes sur le statut de l’Institution, sur ses missions historiques de collecteur des fonds d’épargne et de financeur du logement social…
Avant d’en commenter le fond, il nous parait nécessaire de s’attarder, un instant, sur son existence même et la méthode retenue pour son élaboration.
Un plan stratégique qui répond précisément à une absence supposée de stratégie antérieure…
S’il est coutumier pour un nouveau Directeur de dresser un état des lieux des services nouvellement placés sous son autorité et des missions dont il assume dorénavant la responsabilité, il est tout aussi fréquent d’identifier, à cette occasion, les pratiques de gestion de son prédécesseur.
Les derniers dossiers qui ont mis la Caisse sous le feu des projecteurs (divorce des Caisses d’Epargne et affaire EADS), ont révélé une gestion avec laquelle le nouveau Directeur, bien incité en cela par les pouvoirs publics, veut rompre.
Bien entendu, la bienséance exige de garder secrets les véritables motifs de l’adoption d’un plan stratégique, dont on voudrait nous faire croire qu’il est tout droit inspiré d’une séance de rasage matinal, une sorte de rêve éveillé d’un Directeur touché par la grâce.
La vérité est bien plus crue, même si elle n’est pas toujours bonne à dire!
Un plan piloté par ceux dont l’absence supposée de stratégie était précisément reprochée…
Nous concevons qu’il est toujours possible de changer, mais il est bien vain d’espérer chasser totalement sa nature, sous peine qu’elle revienne au galop!
Il est un fait que l’audit conduit dans les services a mis principalement en exergue une absence de priorisation des missions de l’Institution et une quasi-opacité de la stratégie globale.
Ce faisant, on aurait pu penser que les groupes de travail en charge de solutions nouvelles auraient été élargis à des collaborateurs non impliqués dans les problèmes antérieurs.
Le réalisme l’a emporté. L’auditeur a entendu une liste de collaborateurs savamment choisis par les Directeurs d’Unités; ceux-la mêmes qui ont mené la réflexion du changement pour parvenir à l’Elan….La soupe aura, à n ‘en pas douter, une saveur différente, puisque les ingrédients ont changé, mais il est fort probable que le Directeur change, à terme, ces cuistots.
Espérons que ces derniers n’aient pas inventé la recette de leur propre éviction.
Reste que « les commis de cuisine » auront été, une nouvelle fois, écartés de l’élaboration de la mixture, alors qu’ils sont toujours ceux qui font tourner les fourneaux, quel que soit le talent du chef de cuisine.
Un plan qui n’a de « stratégique » que son absence d’originalité…
Soyons clairs, le séminaire de Deauville n’aura de commun avec le festival du même nom que le lieu de la projection. Pas de quoi rivaliser avec un scénario fantastique, si ce n’est la présence (que nous jugeons du reste plutôt positive) d’un émissaire du gouvernement.
Beaucoup s’en sont offusqués, au nom de la sacro sainte prépondérance du législatif sur l’exécutif! Mais, pouvait-on un instant imaginer que l’agitateur principal des actions de ce plan aurait pu manquer sa présentation officielle.
L’urgence du logement social, l’aide aux PME, le soutien à l’autonomisation des Universités, le développement durable, qui constituent les quatre axes « stratégiques » d’Elan 2020, font bien partie intégrantes des priorités du gouvernement définies depuis plusieurs mois déjà!
Il aurait sans doute été plus juste de le dénommer « Plan d’accompagnement des urgences Nationales », pour conforter la véritable mission de l’Institution d’investisseur à long terme au bénéfice de l’intérêt général…laissons la stratégie aux entreprises qui doivent innover pour survivre.
Un plan qui recentre l’Institution sur ses fondamentaux…
La Caisse n’a, en effet, pas à réinventer l’intérêt général, elle doit agir en auxiliaire des pouvoirs publics qui sont seuls compétents pour définir le périmètre de l’intérêt général.
En l’occurrence, l’absence d’originalité dans la définition de ses axes d’intervention est plutôt une garantie d’existence pour l’Institution, sauf à vouloir sombrer dans les scénarios catastrophes de la célèbre fable philosophique de Flaubert « Bouvard et Perruchet » (« Bouvard et Romanet » pour la circonstance!) .
Nos dirigeants ont évité cet écueil. Les esprits chagrins pourraient penser que, ce faisant, tout ce fatras était bien inutile puisque l’Institution est sommée d’agir jusqu’en 2020, comme elle le fait depuis 190 ans déjà!
Certes, mais cela va toujours mieux en le disant, surtout à un moment où la conscience collective, largement détournée par la presse, ne retiendra (faussement) de l’affaire EADS qu’une utilisation détournée de l’épargne des Français par une Institution dont elle ne connait rien de l’utilité réelle! Ce qui n’est pas connu, devient vite suspect…
Conclusion : Pour se redonner du baume au coeur, en finir avec l’adage « pour vivre heureux, vivons cachés »
Une fois extraits de ce plan, tout ce qui est vaguement stratégique et faussement original; une fois apaisée la tentation de ne voire dans l' »Elan », qu’un saut dans le vide, tant son horizon 2020 peut paraitre éloigné dans un environnement en perpétuel changement [[Il est vrai qu’un objectif peut être considéré comme atteint si on ne s’en écarte pas de plus de 90°. La marge est confortable!]], nous retiendrons de l’exercice deux points essentiels.
Tout d’abord, la CFTC voit dans l’adoption d’un plan à long terme le moyen de (re)donner aux collaborateurs de la Caisse une fierté d’appartenance à l’Institution, un moyen de se fédérer autour d’axes aussi cruciaux que le financement du logement social ou le développement durable.
Toute l’agitation provoquée par le divorce des Caisses d’Epargne, l’affaire EADS, le livret A, a passablement écorné le moral des troupes en les confinant dans une spirale professionnelle négative, source de repli et d’attentisme. Souhaitons que cet Elan (à l’occasion du nouvel An!) redonne au personnel du baume au coeur en lui permettant de redresser la tête.
La CFTC veut croire que le Directeur Général, qui a placé au premier rang des valeurs du Groupe, les femmes et les hommes qui le composent, saura traduire, par des mesures sociales concrètes, l’importance qu’il accorde aux ressources humaines.
Le second point positif que nous retiendrons, en première approche, est la volonté marquée du Directeur Général de rendre compte à l’opinion publique des interventions de la Caisse, notamment par une communication régionale adaptée.
La CFTC partage l’idée selon laquelle il est nécessaire de désacraliser la « vieille dame » pour gommer son image de « Tatie Danielle ».
Combien d’entre nous ont déjà fait l’expérience, en parlant de leur activité professionnelle à des proches, de s’entendre dire « C’est quoi au juste la Caisse des Dépôts? »; Combien d’entre nous ont déjà lu sur un panneau de chantier de construction de logements sociaux, le nom de l’institution en bonne place parmi la liste, pourtant interminable, des intervenants?
Vivre cachés dans la sphère privée est sans doute nécessaire à la sauvegarde de l’harmonie, mais fonctionner en organisation quasi-secrète pour une Institution publique relève d’un paradoxe majeur.
Pas étonnant dans ces conditions que nos ennemis traditionnels alimentent des suspicions infondées lorsque le nom d’un établissement public apparait dans la liste des actionnaires d’une société ou d’un groupe dans la tourmente. Il devient aisé pour un chroniqueur de faire passer, aux yeux de l’opinion, les investisseurs privés pour des boursicoteurs infortunés et l’investisseur public pour un fourvoyeur de l’épargne des Français. Les premiers seront plaints, le second calomnié!
Plus les missions de l’Institution seront connues, mieux son utilité au service du pays sera reconnue et moins les politiques seront tentés de la chahuter. C’est, en tout cas, notre conviction.